Pièce unique
Analyse théorique – Histoire de l’art : Mondrian réinterprété par 2mé
BAV’ART de 2mé s’inscrit dans une longue tradition de réappropriation critique des paradigmes modernistes.
En reprenant la grille néoplastique de Piet Mondrian — orthogonalité stricte, hiérarchie chromatique limitée aux primaires, organisation rigoureuse du plan — l’artiste convoque l’un des systèmes visuels les plus codifiés du XXᵉ siècle.
Mais ce qu’il en fait relève précisément du postmodernisme : un déplacement, une déconstruction, et une réinsertion du narratif dans un espace qui le refusait.
1. Le système mondrianien comme structure régulatrice
Mondrian conçut la grille comme un dispositif visant à éliminer le contingent, le subjectif, le narratif et l’anecdotique.
Le tableau devait devenir une totalité autosuffisante où la ligne, la forme et la couleur exprimaient un ordre universel, presque métaphysique.
Il n’y avait ni geste, ni accident, ni figure — autant d’éléments perçus comme des résidus du monde sensible.
2mé reprend cette grille non pas comme vérité, mais comme cadre culturel, presque comme un “canon” à questionner.
Ce n’est plus une finalité : c’est un décor.
2. La réintroduction du geste : la bavure comme contre-discours
Les coulures colorées sont les premières à contredire l’esprit mondrianien.
Elles réintroduisent le geste, l’erreur, la matérialité, tout ce que l’abstraction pure cherchait à effacer.
En cela, 2mé rejoint les démarches théoriques des artistes des années 1960–70 (Post-Painterly Abstraction, Supports/Surfaces), qui interrogèrent les conditions matérielles de la peinture.
La “bavure” n’est plus une faute :
elle devient un commentaire visuel sur les limites du dogme moderniste.
3. La figure comme perturbation : les EscARTgots
L’introduction des EscARTgots constitue le geste théorique majeur de l’œuvre.
La grille, conçue pour exclure toute présence figurative, est désormais habitée par des personnages sculptés :
des figures blanches, minimalistes, mais chargées d’une fonction narrative.
Ils incarnent le retour du récit, du théâtral, du regard :
trois dimensions historiquement proscrites par le néoplasticisme.
Ces personnages transformeraient presque le tableau en case de bande dessinée, ce qui constitue un renversement fondamental : l’espace moderniste, autrefois abstrait et universel, devient un espace de fiction, un dispositif narratif.
4. Le regard circulaire : la scène du jugement
La dynamique interne de l’œuvre — chaque EscARTgot observant la bavure ou la maladresse du voisin — introduit un système de regards croisés, absent des théories modernistes mais omniprésent dans l’histoire figurative, du Baroque aux mises en scène de la BD contemporaine.
Cette circulation du regard crée une dimension réflexive :
les EscARTgots deviennent les “regardeurs” du tableau (au sens de Duchamp), mais aussi les complices d’un commentaire ironique sur le mythe de la perfection plastique.
5. Du modernisme au postmodernisme : un déplacement critique
Ainsi, BAV’ART ne se contente pas de détourner Mondrian.
L’œuvre propose une lecture théorique plus fine :
elle réinscrit l’humain, le geste, la narration et l’erreur dans un système qui les avait volontairement expulsés.
Elle montre que le modernisme, dans sa quête de pureté, avait sacrifié des dimensions essentielles de l’expérience esthétique.
2mé opère donc un retournement postmoderne :
il conserve la forme,
mais renverse la fonction ;
il reprend l’ordre,
mais y insère le vivant ;
il cite Mondrian,
mais le transforme en scène.
En somme, l’œuvre met en lumière le moment où la grille moderniste cesse d’être une doctrine pour devenir un motif culturel, disponible pour le jeu, l’humour, le récit et la critique.
BAV’ART témoigne ainsi d’une profonde compréhension de l’histoire de l’art :
non pas comme un monument figé,
mais comme un langage ouvert, prêt à être réactivé par de nouveaux acteurs — même s’ils avancent à la vitesse d’un escargot.
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Matière :
Pierre acrylique 70% de marbre 30% d’acrylique
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Couleur :
Blanc bleue rouge jaune
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Certificat d'authenticité :
Oui
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Dimensions :
76 x 113 cm
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Installation :
À suspendre
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Pièce monumentale :
Non
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Convient pour l'extérieur :
Non